Couvrir les manifestations peut être dangereux pour les journalistes, qui s’exposent à divers risques, notamment des agressions et des arrestations. Reporters sans frontières (RSF) a compilé une série de conseils pour aider les professionnels des médias à mieux se préparer et à réduire les risques liés à la couverture de ces événements.
Partout dans le monde, les journalistes qui couvrent des manifestations risquent d’être aspergés de gaz lacrymogène, agressés physiquement et parfois même arrêtés avec les manifestants. Toutes les manifestations ne dégénèrent pas, mais les journalistes doivent être prêts à toute éventualité, car elles peuvent à tout moment devenir dangereuses. 
Couvrir les faits est essentiel, mais assurer sa propre sécurité doit rester la priorité absolue.
Se préparer en amont
- N’y allez pas seul. Couvrir seul une manifestation peut sembler vous offrir plus de discrétion et de liberté de mouvement, mais cela vous rend aussi plus vulnérable en cas d’arrestation ou si vous vous perdez dans la foule. Maintenez une communication régulière avec votre rédaction et, autant que possible, restez à proximité d’autres collègues sur le terrain. En situation d’isolement, repérer rapidement d’autres journalistes peut faire toute la différence.
 - Cartographiez la zone. Marquez clairement sur votre carte les zones clés, les points à risque et les issues de secours. Ces repères permettront à votre équipe de vous localiser facilement en cas de séparation.
 - Portez des vêtements adaptés. Portez deux couches de vêtements amples en coton afin de créer des poches d’air qui protégeront votre peau de la chaleur ou des cocktails Molotov. Évitez les vêtements pendants comme les foulards, colliers ou queues de cheval, faciles à attraper. Optez pour des bottes robustes à lacets — de préférence des chaussures de chantier — qui permettent de courir tout en protégeant vos pieds des débris et de la chaleur. Enfin, évitez les couleurs symboliques susceptibles de vous faire passer pour un manifestant.
 - Soyez identifiables. Portez toujours un brassard de presse ou tout autre signe d’identification visuelle. Gardez votre accréditation à portée de main, sans la laisser constamment visible : elle pourrait être arrachée. Certains manifestants ou policiers peuvent en effet cibler les journalistes.
 - Pensez à vous protéger. Emportez un casque, des lunettes de protection et un masque à gaz ou respiratoire en cas d’utilisation de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc ou de cocktails Molotov. Munissez-vous également d’une trousse de premiers secours contenant des compresses et une pommade pour les brûlures, ainsi qu’une simple sangle velcro pouvant servir d’écharpe ou de garrot en cas de blessure.
 - Ajoutez à votre équipement quelques indispensables. Veillez à ce que les batteries de vos appareils soient bien chargées, emportez une batterie externe et des cartes mémoire de rechange. Emportez de l’eau, des barres énergétiques et un peu de papier toilette, au cas où la manifestation durerait plus longtemps que prévu. Gardez également une bouteille d’eau froide supplémentaire afin de rincer vos yeux ou votre peau en cas d’exposition aux gaz lacrymogènes.
 
Garantir sa sécurité numérique
- Utilisez un VPN (réseau privé virtuel). Lorsque vous vous connectez à un réseau Wi-Fi public ou utilisez des données mobiles, vos communications peuvent être vulnérables à des interceptions. Un VPN masque votre trafic Internet en temps réel en créant un tunnel chiffré entre votre appareil et le réseau, protégeant ainsi vos données et votre identité.
 - Utilisez des applications de messagerie maillée. Dans les grandes foules, le signal téléphonique peut devenir faible ou instable. Les applications de messagerie maillée offrent une alternative efficace : elles utilisent le Bluetooth du téléphone pour envoyer et recevoir des messages hors réseau et hors ligne, directement entre appareils situés à proximité et équipés du même logiciel.
 - Ayez toujours un téléphone portable propre. Si votre téléphone ou votre appareil photo est perdu ou confisqué par la police, partez du principe qu’il ne vous sera jamais restitué. Et s’il vous est rendu, n’en reprenez pas l’usage par mesure de précaution contre d’éventuels logiciels espions installés.
 
Savoir se positionner
- Repérez les lieux. Le positionnement est essentiel pour votre sécurité lors d’une manifestation. Repérez une structure solide ou un élément fixé au sol — un pilier, un banc, un muret — qui pourra servir de « brise-lames » au milieu de la foule. Vous pourrez y mener vos interviews ou filmer plus sereinement. Si la foule s’emballe, elle contournera naturellement l’obstacle tandis que vous resterez relativement protégé.
 - Placez-vous à l’écart de la foule. Restez en bordure du rassemblement pour limiter le risque d’être piétiné et faciliter une éventuelle évacuation. Si vous devez vous déplacer au milieu de la foule, poussez au niveau des hanches : c’est le moyen le plus efficace et le plus sûr pour avancer.
 - Restez constamment attentif à votre environnement. Lors d’un reportage en manifestation, gardez un œil et une oreille partout : observez les mouvements, écoutez les sons, et placez-vous toujours derrière les personnes qui tirent des balles en caoutchouc ou projettent des objets. Identifiez régulièrement les issues de secours et les voies d’évacuation possibles.
 - Surveillez la densité de la foule. Si l’on peut voir la nuque ou les boutons de chemise d’une personne, cela indique que la foule n’est pas trop dense. Si le menton des manifestants n’est plus visible, cela signifie que la foule a atteint un seuil critique de densité, au-delà duquel les gens pourraient ressentir de l’angoisse et même paniquer.
 
Bien réagir face aux forces de l’ordre
- En cas de contrôle ou de fouille. Si vous êtes soumis à un contrôle d’identité ou à une fouille aléatoire, gardez votre calme et coopérez. Dans de nombreux pays, la police est autorisée à interpeller et à fouiller des civils sans motif particulier, et peut exiger la présentation d’une pièce d’identité personnelle ou professionnelle. Il peut également arriver qu’un agent demande à fouiller des effets personnels. Dans ce cas, il est important de rester conciliant et de ne pas contester.
 - En cas d’arrestation. Souvenez-vous que vous avez le droit de garder le silence. Les forces de l’ordre peuvent recourir à des pressions ou à des tactiques d’intimidation pour obtenir des informations. Ne cédez pas à la peur : restez calme et attendez l’assistance d’un avocat.
 
PHOTO : ANTHONY WALLACE / AFP